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Code
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Article 7
Non discrimination
(article R.4127-7 du code de la santé publique)

Le médecin doit écouter, examiner, conseiller ou soigner avec la même conscience toutes les personnes quels que soient leur origine, leurs moeurs et leur situation de famille, leur appartenance ou leur non-appartenance à une ethnie, une nation ou une religion déterminée, leur handicap ou leur état de santé, leur réputation ou les sentiments qu'il peut éprouver à leur égard.
Il doit leur apporter son concours en toutes circonstances.
Il ne doit jamais se départir d'une attitude correcte et attentive envers la personne examinée.

Commentaires

Cet article reprend l'article 5 du code de 1979 en le développant et en le précisant.

1. Fonctions du médecin
Il ne s'agit plus seulement de soigner, ce à quoi se bornait le code de 1979.
Le médecin commence par écouter. Lors d'une rencontre habituelle, cette écoute permet à un patient conscient d'exposer les raisons de sa présence, de sa consultation. Il exprime ses plaintes, ce dont il souffre, ce qui l'inquiète ou lui paraît anormal. Le médecin lui fait préciser l'histoire de la maladie et les antécédents personnels et familiaux et gagne à savoir ce que le malade attend de lui. Tout cela ne va pas toujours de soi : le praticien doit souvent aider le patient à vaincre sa timidité, à s'exprimer, à s'expliquer, à exposer des soucis intimes ou délicats, en montrant son attention et sa compréhension, en assurant sa discrétion. Dans la pratique courante cet entretien initial renseigne sur le diagnostic dans trois quarts des cas. "Ecoutez le malade, il va donner le diagnostic" disait déjà Osler en 1908, ce qui reste exact un siècle plus tard.

Le médecin examine le patient, plus spécialement la région dont il souffre, mais aussi l'ensemble de son corps. Ce n'est pas toujours simple, chez des personnes pudiques, très couvertes ou d'hygiène douteuse. Il faut annoncer et expliquer les raisons de cet examen, d'un geste particulier comme un toucher pelvien. Cet examen physique reste fondamental, indispensable. Il ne va pas sans précautions (éviter de faire mal, protéger contre une contamination, présence d'un tiers, etc.). Parfois dévalorisé par les examens complémentaires, il permet d'en poser judicieusement l'indication et de les choisir pour s'en trouver justement complété. Les données de l'examen clinique suivant l'entretien initial suffisent pour poser le diagnostic dans la majorité des cas et seront exposées à l'intéressé.

Le médecin conseille plus qu'il ne décide ou n'impose. Il oriente vers des mesures préventives, recommande des mesures d'hygiène, donne des avis sur des possibilités thérapeutiques ou des démarches sociales ou professionnelles dépendant de l'état de santé ou de maladie. Des avis lui sont de plus en plus souvent demandés, dans des domaines variés, et il doit répondre aux questions posées, sans pour autant s'insérer abusivement ou inutilement dans l'intimité des personnes (art. 51).

Enfin il soigne, démarche ancienne et principale mais qui n'est plus la seule, loin de là. Ses soins sont très variés, allant d'un pansement ou de quelques points de suture à une intervention majeure, en passant par la prescription de médicaments, l'administration de radiations ionisantes, etc. On assimile aux soins des explorations complémentaires : prise de sang, radiographie, endoscopie, etc.

2. Tous les patients
Ces interventions auprès de tous patients quels qu'ils soient répondent à une ancienne tradition. Certes, du temps de Platon, des médecins esclaves soignaient des malades esclaves et des médecins libres des malades libres. Mais au VIIème siècle de notre ère, le chinois Souen Sseu Mo recommandait au médecin de "porter secours à toute douleur de tout être animé, sans s'occuper de son rang, de sa fortune, de son âge, de sa beauté, de son intelligence, de sa qualité de chinois ou de barbare, d'ami ou d'ennemi". Pasteur disait : "Je ne te demande ni ta race, ni ta religion, ni tes origines, mais quelle est ta souffrance".

L'équité veut que le médecin traite de la même façon, quelle que soit la condition du patient. Jadis le médecin proportionnait ses honoraires aux possibilités financières des malades et de leurs familles, ce qui lui permettait d'en soigner certains gratuitement. De nos jours, l'assurance maladie a estompé ces inégalités ; le médecin ne peut réduire le prix d'un acte mais il reste libre de ne pas se faire honorer (art. 67). Le médecin sera particulièrement attentif pour des patients privés de moyens financiers ou de liberté (art. 10). Il en ira de même pour des malades médecins ou de familles de médecins : il est recommandé d'être vigilant pour leur éviter aussi bien des faveurs illégitimes (art. 50) ou qui se montreraient secondairement préjudiciables, que des mesures de sécurité renforcées mais excessives.

Le médecin n'a pas à tenir compte de la nationalité ou de l'origine ethnique- ce qui est important en un temps où migrations et voyages sont nombreux- même si elle influence le système de remboursement des soins. La pratique de la médecine n'admet ni frontière, ni racisme, même en cas de conflit (infra).

Le praticien ne doit pas se laisser influencer par la situation de famille ou les moeurs, qu'il les devine ou qu'ils soient déclarés, qu'il y adhère ou les réprouve. La libéralisation des moeurs rend certaines particularités plus apparentes et peut exposer à une discrimination dont le médecin doit se garder. Sa tolérance est même nécessaire pour permettre au patient de donner des informations intimes utiles à sa prise en charge. Cette condition est particulièrement utile pour la prise en charge des délinquants sexuels. (voir note 1)

La religion comme toute conviction du patient ne doit pas influencer l'attitude du médecin. Le temps n'est plus où était créé un hôpital protestant dans un port catholique pour y accueillir des marins malades et les mettre à l'abri de conversions in extremis. Certaines convictions peuvent interférer avec les soins (par exemple : témoin de Jehovah) et cela pourra les influencer, mais sans orienter ni biaiser a priori le jugement ou le comportement du médecin.

Aucune discrimination n'est non plus acceptable selon l'état de santé ou un handicap. Un malade contagieux, un dément ou un débile mental doit être aussi bien traité qu'un autre patient. Le médecin doit s'efforcer par sa considération et son estime de rétablir une égalité entre les patients, surtout quand elle ne va pas de soi, même si certains handicaps peuvent intervenir objectivement dans une décision médicale.

Le médecin doit aussi s'efforcer de ne pas être influencé par les sentiments inspirés par les personnes rencontrées, ce qui pourrait être fâcheux. Des malades sont désagréables, difficiles à supporter. Ils ne doivent pas pour autant être plus mal soignés, même si leur comportement peut altérer la qualité des soins, leur observance. Le médecin peut faire jouer une "clause de conscience" et proposer un "divorce à l'amiable" pourvu qu'il n'y ait pas urgence, que sa position soit présentée au malade et que la continuité des soins soit assurée (art. 47, 64). C'est délicat quand le malade a un comportement dangereux. L'influence peut être à l'inverse excessivement favorable : le médecin va soigner un ami, un proche ou une personnalité avec une attention renforcée, des précautions supplémentaires, qui peuvent être aussi bien bénéfiques que nuisibles. L'objectivité nécessaire à l'action du médecin s'accomode mal de sentiments subjectifs.

3. En toutes circonstances

La pratique médicale doit être égale en toutes circonstances, ce qui n'est pas simple en cas d'épidémie, de catastrophe, de conflit civil ou guerrier. En cas d'épidémie, la tradition médicale a toujours été de faire face, d'être présent et de soigner en évitant les risques évitables, mais sans fuir les risques inévitables. D'assez nombreux médecins ont payé de leur santé, voire de leur vie, cette ligne de conduite pour que leurs successeurs se montrent à la hauteur de leurs aînés et de la mission qui leur incombe. En temps de guerre, les médecins mettent leur point d'honneur à soigner les blessés ennemis de la même manière que ceux de leur propre camp. Cette situation reste courante, notamment dans le cadre de la "médecine humanitaire".

4. Respect de la personne

Il est posé comme principe dès l'article 2 . La politesse ou l'urbanité, au demeurant souhaitable lors de toute rencontre, est recommandée depuis longtemps dans la relation médecin-malade. Déjà Hippocrate préconisait des égards vis-à-vis de la personne malade, conseillait d'être sur des chaises "de hauteur égale", de ne pas dévêtir la personne examinée plus que nécessaire, en particulier en présence de tiers : proches du patient ou assistant-élève du médecin ; sur ce dernier point le décret n° 97-495 du 16 mai 1997 précise que : "La présence du stagiaire aux consultations et visites du maître de stage ainsi que l'exécution par lui d'actes médicaux sont subordonnées au consentement du patient et à l'accord du maître de stage..".

Au Moyen-Age, il était conseillé au médecin de ne pas déplaire, de bien se tenir pour être...bien payé. Aujourd'hui, le respect d'un patient s'impose d'autant plus que, diminué, il est en position de demandeur. Il y a une inégalité irréductible entre malade et médecin ; ce n'est pas une raison pour l'accentuer ; au contraire le médecin doit un respect d'autant plus impératif qu'il va moins de soi.

Avant d'être générosité, l'altruisme est d'abord attention portée à l'autre, à la fois semblable et différent, ne serait-ce que pour reconnaître son altérité et l'admettre. Cette reconnaissance doit éviter de se mettre à la place de l'autre, de décider ou de choisir pour lui. Au contraire le médecin doit être particulièrement attentif à sa personnalité, à ses traits particuliers, pour en tenir compte et leur laisser la priorité par rapport à ses propres options ou à celles de l'entourage. L'article 3 des Principes d'éthique médicale européenne adoptés en 1987 avec la participation de l'Ordre des médecins français, précise : "Le médecin s'interdit d'imposer au patient ses opinions personnelles, philosophiques, morales ou politiques dans l'exercice de sa profession".
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Notes
(1)La loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs institue à l'encontre des auteurs d'infractions sexuelles un suivi socio-judiciaire qui peut comprendre une injonction de soins.