Article 32
Qualité des soins
(article R.4127-32 du code de la santé publique)
Dès lors qu'il a accepté de répondre à une demande, le médecin s'engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s'il y a lieu, à l'aide de tiers compétents.
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L'intitulé de ce titre s'est modifié : les « patients » ont remplacé les « malades ». En effet le médecin rencontre dans son exercice professionnel un nombre croissant de personnes qui ne sont pas malades : blessés, convalescents ou sujets bien portants, vus sur leur demande pour un acte de prévention, dans le cadre d'examen systématique de médecine scolaire ou du travail ou pour une expertise, par exemple préalable à la souscription d'une assurance. Le terme patient est discutable mais couramment utilisé (en anglais) et adopté faute de mieux.
Sauf appel d'urgence (art. 9), le médecin n'est pas obligé de prendre en charge un malade : il peut, pour des raisons professionnelles ou personnelles, refuser de donner ses soins (art. 47).
1. Engagement du médecin
Mais, s'il a accepté de soigner une personne, il est lié au malade par son engagement. C'est ce qu'on appelle en matière de responsabilité civile le "contrat de soins". L'engagement du médecin consiste, selon les termes de la Cour de Cassation (arrêt Mercier du 20 mai 1936 ), à donner des soins "non pas quelconques, mais consciencieux, attentifs et, réserve faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises (ou actuelles) de la science".
Cette théorie du "contrat de soins", généralement admise en France, exprime l'entente tacite qui s'établit entre le malade qui se confie et le médecin qui s'engage.
On dit quelquefois que le "contrat de soins" se conçoit seulement dans le domaine de la médecine "libérale" et ne pourrait être invoqué si le médecin donne ses soins dans un établissement dont il est salarié, par exemple un hôpital public : dans ce cas, le malade aurait passé (un) contrat avec l'établissement. En termes de morale professionnelle, cette distinction n'est pas défendable. Le médecin hospitalier doit se considérer comme le médecin de chaque malade qui lui est confié ou se confie à lui, plus que comme "médecin de l'établissement". Le médecin n'est jamais un employé (art. 5).
2. Exercice personnel
Le médecin s'engage à assurer personnellement les soins.
L'exercice de la médecine est personnel. Le médecin qui a accepté de soigner un malade engage sa responsabilité personnelle (art. 69). Il ne peut envoyer auprès du malade en son nom un praticien anonyme : "l'assistanat" est interdit (sauf circonstances très spéciales,
art. 87, 88).
Mais, si le cas l'exige, le médecin s'entourera des conseils de spécialistes ou demandera l'aide de certains de ses confrères. Il peut, en accord avec le malade, adresser celui-ci à un confrère libéral ou hospitalier, de pratique privée ou publique dont l'intervention est indiquée (voir ci-dessous).
3. Qualité des soins
Ces soins seront consciencieux et dévoués. La conscience professionnelle du médecin implique attention minutieuse, disponibilité et compétence, ainsi qu'une juste appréciation des limites de cette compétence. Elle est conscience aux deux sens du terme : perception lucide d'une situation (médecin conscient) et honnêteté du comportement (médecin consciencieux) : "Fais pour autruy ce que tu voudrois qu'on fist en ton endroict" disait Ambroise Paré, mais ce conseil ne doit pas être un prétexte pour décider, à la place du malade, ce que le médecin juge bon pour lui, suivant un paternalisme même bien tempéré.
Le dévouement est l'attachement aux besoins de soins du malade qui commandent le comportement du médecin.
Le médecin doit prévenir le malade ou l'entourage des symptômes qui peuvent exiger son rappel. Toute maladie à caractère évolutif doit être suivie de près.
Le téléphone peut être utile à cette fin. Mais cette commodité dont le médecin ne doit pas se priver comporte aussi des risques que le médecin doit connaître et apprécier.
(voir note 1)
Ces soins sont fondés sur les données acquises de la science. C'est la principale limite à la liberté du médecin. Elle est évoquée dès l' article 8 à propos de la "liberté de prescription". Elle l'est à nouveau et a contrario par l' article 39 qui prohibe les procédés "insuffisamment éprouvés" ou "non autorisés".
Ces "données acquises de la science" ne représentent pas pour autant des références claires, simples, indiscutables et définitives. Le propre de la science est d'être exposée à contradiction et de pouvoir évoluer. Avec la liberté d'expression et la prolifération de travaux scientifiques et de publications correspondantes, cette évolution donne parfois l'impression d'incertitude laissant la place à toute liberté d'interprétation et d'action. Il y a là une source de malentendu, de confusion et pour tout dire de désordre dont la persistance n'est pas souhaitable.
A côté d'une littérature médicale qui, en France, n'a pas toujours la rigueur observée dans d'autres pays, des efforts ont été faits et se poursuivent pour préciser les données sur lesquelles il y a accord (quitte à les revoir en cas de nouveaux progrès), celles sur lesquelles une orientation peut être dégagée sous réserve et celles qui restent franchement incertaines. Les conférences de consensus, l'Agence nationale pour le développement de l'évaluation médicale (ANDEM) puis l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) qui lui a succédé s'efforcent d'opérer avec rigueur ces distinctions nécessaires pour doter les médecins de repères objectifs et indépendants, sous forme de protocoles, de références médicales, de conclusions de conférences de consensus, etc. ou tout autre document qui devraient se voir reconnaître, sinon un statut spécial, du moins une autre importance que la moindre information émanant d'un médecin isolé ou parrainé par l'industrie ou tout autre sponsor intéressé.
Pour autant cette science médicale ne doit pas se voir attribuer une portée absolue. Elle donne des indications générales guidant le médecin face à un malade particulier et n'impose pas qu'on les applique sans esprit critique. Cela signifie qu'elles seront suivies simplement dans la plupart des cas, tandis que pour les autres malades le médecin s'en inspirera pour personnaliser une conduite à tenir en y apportant les nuances de l'art médical. Ces nuances ne sont pas le fruit d'une inspiration personnelle extemporanée, elles doivent pouvoir être justifiées sur des critères objectifs.
Le médecin doit faire appel, s'il y a lieu, à l'aide de tiers compétents. Quelles que soient sa formation et ses modalités d'exercice, il peut avoir besoin de faire appel à d'autres médecins, à des spécialistes, à un établissement de soins ; c'est la compétence de ceux-ci qui guidera son choix, avec l'accord du malade. Cette précision complète l'article 70 et se trouve reprise dans l'article 33.
Le mot "compétence" doit être entendu dans le sens du langage ordinaire : il ne s'agit pas des "compétences" officielles obtenues par un certificat d'études spéciales (CES), un diplôme d'études spécialisées (DES) ou sur avis des commissions de qualification.
En outre, le médecin a la responsabilité de choisir ses auxiliaires et de surveiller leurs actions (art. 71).
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Notes
(1) Hœrni B., Appels téléphoniques des patients et déontologie médicale- Bulletin de l'Ordre mai 1999.
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