Article 16
Collecte de sang et
prélévements d'organes
(article R.4127-16 du code de la santé publique)
La collecte de sang ainsi que les prélèvements d'organes, de tissus, de cellules ou d'autres produits du corps humain sur la personne vivante ou décédée ne peuvent être pratiqués que dans les cas et les conditions définis par la loi.
Commentaires
Faisant suite aux lois du 21 juillet 1952 et du 4 janvier 1993 (collecte et utilisation du sang humain) et du 22 décembre 1976, dite loi Caillavet (don d'organe) qu'elles complètent ou remplacent, deux des lois dites de bioéthique ont été adoptées par le Parlement.
Ces lois relatives l'une au respect du corps humain (voir note
1), l'autre au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain , à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic
prénatal (voir note 2) ont introduit dans le code civil, le code pénal et le code de la santé publique des dispositions visant tout particulièrement :
- à interdire tout commerce à partir du corps humain, de ses composants et des ses produits ;
- à clarifier la notion de consentement des donneurs ;
- à encadrer par la loi et ses décrets d'application les activités de prélèvement d'organes, de tissus et de cellules d'une part, de greffe d'autre part ;
- à assurer la sécurité sanitaire dans le cadre de la loi. C'est là une nouveauté en ce domaine comme l'est par ailleurs le respect dû au corps humain et à son intégrité dans le cadre du droit de la personne, même après le décès.
La pratique médicale fait davantage appel à l'emploi d'organes, de tissus, de cellules prélevés sur des êtres humains, vivants ou décédés. Les donneurs décédés ne sont pas nombreux et doivent être sélectionnés. Les besoins thérapeutiques sont importants. Les prélèvements d'organes, de tissus, de cellules sont devenus multiples sur un même corps, au risque de le "défigurer".
Le don d'organes, de tissus et de cellules est un acte généreux de solidarité grâce auquel les transplantations de rein, de coeur, de foie, de poumon, de pancréas sont réalisables... L'emploi des cornées, des os, des ligaments, des osselets de l'oreille, des artères, veines, peau, nerfs périphériques, valves cardiaques... des cellules sanguines et médullaires... est entré également dans le domaine médical courant. Outre la thérapeutique, des recherches sont encore nécessaires. L'ensemble est pris en compte dans les dispositions législatives et règlementaires.
1. Le sang
Par la loi n° 93-5 du 4 janvier 1993, le législateur a mis en place une réorganisation du système transfusionnel initialement prévu par la loi n° 52-354 du 21 juillet 1952 sur l'utilisation thérapeutique du sang humain, de son plasma et de ses dérivés, ainsi qu'un dispositif d'hémovigilance.
Depuis de nombreux textes sont venus s'ajouter, notamment ces dernières années.
L 'organisation transfusionnelle a été modifiée. L'Agence française du sang a été créée en 1993 avant d'être remplacée au 1er janvier 2000 par l'Etablissement français du
sang (voir note 3). La collecte du sang, sa transformation, sa distribution sont confiées à des organisations séparées.
Le sang lui-même est délivré en deux types de produits :
- Les produits stables, assimilés aux médicaments, sont distribués maintenant sous le contrôle des pharmaciens.
- Les produits labiles demeurent sous le contrôle de l'organisation transfusionnelle et sont soumis à de bonnes
pratiques (voir note 4).
Le don du sang reste le principe fondamental. C'est un acte généreux, il n'est pas rétribué comme dans certains pays étrangers.
La sécurité transfusionnelle a été renforcée, pour prévenir la transmission de maladies infectieuses, virales tout particulièrement. Ainsi certains tests sont obligatoires chez le donneur de sang.
La difficulté tient au fait que, pendant plusieurs semaines ou plusieurs mois suivant la contamination du donneur, la séroconversion peut être retardée et la contamination reste ainsi ignorée au moment du don. Des méthodes sécurisantes ont été développées pour le plasma. Elles ne sont malheureusement pas applicables aux cellules, sauf celles qui peuvent être congelées (globules rouges, plaquettes).
L' hémovigilance (voir note 5) a été instituée pour dépister toutes anomalies survenues chez un transfusé à l'occasion du don du sang. Elle est dorénavant obligatoire dans les établissements de soins.
La traçabilité (voir note 6) de tout produit sanguin est obligatoire. Elle vise à retrouver un éventuel donneur contaminant ou les receveurs d'un produit présentant un risque postérieur au don.
A cela, il faut ajouter la modification des indications thérapeutiques par les différentes disciplines dans leur pratique quotidienne : pour réduire les risques liés à la transfusion, elles ont modifié les règles biologiques de compensation chaque fois que possible.
2. Organes, tissus, cellules ou autres produits du corps humain
La loi fut d'abord celle du 22 décembre 1976, dite loi Caillavet. Elle autorisait, en vue d'une greffe ayant un but thérapeutique, un prélèvement effectué sur une personne vivante majeure et jouissant de son intégrité mentale, y ayant librement et expressément consenti. Des dispositions particulières concernaient les mineurs. La loi posait pour la première fois le principe que des prélèvements sur le cadavre pouvaient être effectués à des fins thérapeutiques (prélèvements d'organes en vue d'une greffe), ou à des fins scientifiques (autopsie) si la personne n'avait pas fait connaître de son vivant le refus d'un tel prélèvement.
La loi n° 94-654 du 29 juillet 1994, citée plus haut, a complété de façon notable ce dispositif.
1- Prélèvements d'organes, de tissus et de cellules
Ils peuvent être effectués sur une personne vivante ou décédée.
a) Sur personne vivante
Le prélèvement sous-entend le don d'organes ou de tissus.
Le don d'organes (voir note 7) ne peut être effectué que dans l'intérêt thérapeutique direct du receveur.
Le donneur doit être " apparenté " et majeur (père, mère, fils, fille, frère ou soeur), sauf en cas d'urgence où le donneur peut être le conjoint.
Le consentement du donneur, informé des risques qu'il encourt et des conséquences éventuelles du prélèvement, est exprimé devant le président du tribunal de grande
instance (voir note 8).
Aucun prélèvement d'organe en vue d'un don ne peut avoir lieu sur un mineur vivant ou sur un majeur faisant l'objet d'une mesure de protection légale.
Par dérogation à cette règle, un prélèvement de moelle osseuse, considérée comme un organe, peut être effectué sur un mineur au bénéfice de son frère ou de sa soeur. Le consentement de chacun des parents (ou du représentant légal du mineur) est recueilli devant le président du tribunal de grande instance.
L'autorisation de prélèvement est donnée par un comité d'experts (voir note
9).
Le refus du mineur fait obstacle au prélèvement.
Lorsqu'il s'agit de prélèvement de tissus et/ou de cellules (ou de la collecte de produits du corps humain), celui-ci peut être effectué non seulement dans un but thérapeutique mais aussi
scientifique (voir note 10).
b ) Sur personne décédée
Les prélèvements d'organes, de tissus ou de cellules sur une personne décédée ne peuvent être effectués qu'à des fins thérapeutiques et scientifiques (art. L. 1232-1 à L.1232-6 du code de la santé publique, anciens art. L.671-7 et L.672-5).
Le consentement présumé du défunt majeur, tel qu'il était défini dans l'ancienne loi Caillavet, est maintenu : le prélèvement est possible si le défunt n'a pas fait connaître son refus de son vivant. Un registre national de refus des prélèvements
(voir note 11) a été créé sous l'égide de l'établissement français des greffés. Les médecins doivent, en l'absence d'information concernant la volonté du défunt, rechercher le témoignage de la famille.
Si le défunt est mineur ou un majeur sous protection légale, le prélèvement en vue d'un don ne peut être fait qu'après consentement écrit des autorités parentales ou du représentant légal (art. L.1232-2 du code de la santé publique, ancien art. L.678-1).
Le constat de la mort reste préalable au prélèvement d'organes, de tissus et/ou de cellules. Les conditions de ce constat sont fixées par décret.
(voir note 12).
L'obligation de distinction entre les médecins qui constatent le décès et ceux qui sont impliqués dans le prélèvement ou la greffe est maintenue. Elle est étendue aux structures hospitalières (unités fonctionnelles ou services) auxquelles appartiennent les médecins (art. L.1232-4 du code de la santé publique, ancien art. L.671-10).
Les autorisations de prélèvements d'organes et/ou de tissus (pas de cellules) sont délivrées aux établissements de santé, pour une durée de cinq ans, renouvelable.
(voir note 13). L’arrêté du 30 août 1999 et son annexe fixe le modèle de dossier accompagnant les demandes d’autorisation d’exercer les activités de transformation, de conservation, de distribution et de cession des tissus du corps humain et de leurs dérivés à des fins thérapeutiques (Journal Officiel du 1er septembre 1999 ).
Les médecins qui ont effectué les prélèvements sont tenus de s'assurer de la restauration décente du corps (art. L. 1232-5 du code de la santé publique, ancien art. L.671-11).
La rémunération à l'acte des praticiens effectuant les prélèvements d'organes et/ou de tissus en vue de dons est interdite (art. L. 1234-3 et L.1242-2 du code de la santé publique, anciens art. L.671-3 et L.672-8).
2- Banques de tissus
Après prélèvements, les transformations, la conservation, la distribution, la cession des tissus et des cellules sont soumises à l'autorisation administrative, laquelle est accordée pour une durée de cinq ans. Elle est renouvelable. Ne peuvent en bénéficier que les établissements publics de santé et les organismes à but non lucratif. Certaines activités de haute technicité concernant la transformation des prélèvements et les cultures de cellules ainsi que leur conservation, leur distribution et leur cession sont autorisées à d'autres organismes (art. L. 1243-1 du code de la santé publique, ancien art. L.672-10). Un décret en Conseil d'Etat est prévu pour fixer les conditions et les modalités de délivrance des autorisations (art. L. 1242-3 du code de la santé publique, ancien art. L. 672-14).
3. Anonymat
Le donneur ne peut connaître l'identité du receveur, ni le receveur celle du donneur... Aucune information nominative ne peut être divulguée. Il peut être dérogé à ce principe d'anonymat en cas de nécessité thérapeutique (donneur apparenté) (art. L. 1211-14 du code de la santé publique, ancien art. L. 665-14). Il ne doit pas faire obstacle aux nécessités de la "traçabilité" utile à la sécurité sanitaire.
4. Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent être l'objet d'un négoce, y compris après le décès
Le droit de la personne est enrichi par un droit au respect du corps (art. 16-1 du code civil)
(voir note 14) (chacun a droit au respect de son corps), y compris après le décès. Le corps humain est inviolable. Le corps humain, ses éléments, ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial. Aucune convention ne peut conférer une valeur patrimoniale au corps humain, à ses éléments, à ses produits (art. 16-5 du code civil).
Les individus sont également protégés contre eux-mêmes en ce domaine et ne peuvent donc être rémunérés pour les prélèvements d'éléments de leur corps ou la collecte d'un produit de celui-ci (art. 16-6 du code civil).
Les sanctions pénales à tout manquement sont sévères : 7 ans de prison et 700 000 francs d'amende pour le paiement d'un organe ou d'un tissu ; 5 ans de prison et 500 000 francs d'amende pour la rémunération d'une seule entremise visant à obtenir un organe ou un tissu. Les mêmes peines s'appliquent aux produits humains en provenance d'un pays étranger.
Ces dispositions sont reprises dans les articles L.1272-1 et L.1272-3 du code de la santé publique (anciens articles L.674-2 et L.674-4) . Toutefois, le prélèvement, le conditionnement, la distribution et l'acheminement des produits humains prélevés peuvent donner lieu à remboursement des frais occasionnés, qu'il s'agisse d'organe ou de tissu.
5. Sécurité sanitaire et traçabilité
Une sélection rigoureuse des greffons est requise. Comme par le passé, elle concerne sa qualité fonctionnelle. Mais une notion nouvelle apparaît : la sécurité sanitaire.
Son but est d'éviter de transmettre aux receveurs d'organes ou de tissus une maladie dont pourrait être porteur le donneur. Ainsi la recherche de la présence de marqueurs biologiques des maladies infectieuses, virales notamment, a-t-elle été rendue obligatoire
(voir note 15) et un échantillon des produits biologiques ayant servi à ces recherches doit être conservé. En outre, les prélèvements de tissus et de cellules (à l'exception de la cornée, de l'os cortical ou de la
peau, arrêté du 24 mai 1994) sur une personne décédée ne peuvent être effectués que si celle-ci est assistée par ventilation mécanique et si elle conserve une fonction hémodynamique. Il n'est toujours pas possible de prélever certains tissus, comme les valves cardiaques ou les artères, sur un cadavre frais.
Ces dispositions réglementaires précisent des notions de pratique médicale visant à exclure des prélèvements possibles : les personnes suspectes ou atteintes de maladies infectieuses, virales, cancéreuses, parasitaires, appartenant à des populations dites à risques, ou décédées de cause inconnue ou exposées à des toxiques susceptibles d'être transférés par les tissus...
Afin d'assurer la plus grande sécurité possible d'utilisation, un dispositif de traçabilité a été mis en place
(voir note 16)On entend par traçabilité d'un élément ou d'un produit du corps humain (organe, tissu, cellules ou dérivés) l'ensemble des informations et des mesures prises pour suivre et retrouver rapidement l'ensemble des étapes allant de l'examen clinique du donneur à l'utilisation de cet élément ou produit du corps humain, en passant par le prélèvement, la transformation, la conservation, le transport, la distribution, la dispensation à un patient. La traçabilité permet d'établir un lien entre le donneur et le (ou les) receveur(s). Elle est établie à partir d'une codification préservant l'anonymat des personnes
Ces informations devront être transmises avec l'organe ou le tissu prélevé au praticien qui en fera l'implantation. De même, tout médecin ou chirurgien impliqué dans l'utilisation d'un greffon devra s'assurer que celui-ci a été prélevé, conservé et distribué conformément à la loi et en application de celle-ci.
Tout patient qui bénéficie d'une greffe d'origine humaine doit être informé par le praticien responsable de la greffe que celle-ci est réalisée à partir d'éléments ou produits du corps humain.
En somme , plus qu'une autre activité médicale, la pratique de transplantation :
- conjugue intérêt individuel et intérêt collectif ;
- nécessite le plus grand respect des personnes, vivantes ou décédées, donneurs ou receveurs ;
- justifie l'obtention d'un consentement quand cela est possible ;
- impose l'indépendance des médecins et des équipes médicales impliquées ;
- conduit enfin à sensibiliser non seulement les médecins mais l'ensemble de la population.
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Notes
(1) Loi n° 94-653 du 29 juillet 1994, J.O. 30 juillet 1994.
(2) Loi n° 94-654 du 29 juillet 1994, J.O. 30 juillet 1994.
(3) Art.L.1222-1 du code de la santé publique (ancien art. L. 667-4).
(4) Art.L.1222-3 du code de la santé publique, arrêté du 7 février 1994 (ancien art. L. 668-3).
(5) Art.L.1221-13 du code de la santé publique (ancien art. L. 666-12), décret n° 94-68 du 24 janvier 1994, circulaire DGS/DH n° 40 du 7 juillet 1994.
(6) Art.L.1221-10 et L.1221-12 du code de la santé publique (anciens art. L.666-10,
666-11, 666-12), décret n° 95-566 du 6 mai 1995 relatif à la pharmacovigilance exercée sur les médicaments dérivés du sang humain, circulaire DGS/DH 94-92 du 30 décembre 1994, directive n° 2 de l'Agence française du sang. Arrêté du 9 octobre 1995 fixant les modalités de transmission des informations nécessaires au suivi et à la traçabilité des éléments et produits du corps humain (organes, tissus et cellules ou leurs dérivés) utilisés chez l'homme à des fins thérapeutiques.
(7) Art. L.1231-1 à L.1231-4 du code de la santé publique (anciens art. L. 671-3 à L. 671-6).
(8) Décret n° 96-375 du 29 avril 1996 relatif aux modalités de consentement aux prélèvements d'organes effectués sur une personne vivante ainsi qu'à la composition et au fonctionnement des comités d'experts habilités à autoriser un prélèvement de moelle osseuse sur la personne d'un mineur.
(9) Décret n° 96-375 du 29 avril 1996, cité ci-dessus.
(10) Art. L.1241-1 à L.1241-7 du code de la santé publique (anciens art. L. 672-4 à L. 672-6).
(11) Art. R. 671-7-5 à R. 671-7-14 ; art. R. 672-6-2 du code de la santé publique ; décret n° 97-704 du 30 mai 1997 relatif au registre national automatisé des refus de prélèvement, sur une personne décédée, d'organes, de tissus et de cellules, et modifiant le code de la santé publique.
(12) Art. R. 671-7-1 à R. 671-7-4 du code de la santé publique ; décret n° 96-1041 du 2 décembre 1996 relatif au constat de la mort préalable au prélèvement d'organes, de tissus et de cellules à des fins thérapeutiques ou scientifiques.
(13) Art. L.1233-1 et L.1242-1 du code de la santé publique (anciens Art. L. 671-16, L. 672-7) ; décret n° 97-306 du 1er avril 1997 relatif aux conditions d'autorisation des établissements de santé effectuant des prélèvements d'organes et de tissus à des fins thérapeutiques et modifiant le code de la santé publique.
(14) Art.16 et suivants du code civil introduits par la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain (J.O. 30 juillet 1994).
(15) Décret n° 92-174 du 25 février 1992 modifié par le décret n° 94-416 du 24 mai 1994 ; arrêtés du 24 mai 1994 et du 24 juillet 1996.
(16) Art. L.1211-6 du code de la santé publique (ancien Art. L. 665-15) ; arrêté du 9 octobre 1995 fixant les modalités de transmission des informations nécessaires au suivi et à la traçabilité des éléments et produits du corps humain utilisés chez l'homme à des fins thérapeutiques ; décret n° 96-327 du 16 avril 1996 relatif à l'importation et à l'exportation d'organes, de tissus et de cellules du corps humain, à l'exception des gamètes, et modifiant le code de la santé publique.
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