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Article 9
Assistance à personne en danger
(article R.4127-9 du code de la santé publique)

Tout médecin qui se trouve en présence d'un malade ou d'un blessé en péril ou, informé qu'un malade ou un blessé est en péril, doit lui porter assistance ou s'assurer qu'il reçoit les soins nécessaires.

Commentaires

Cet article applique au médecin le principe général de secourir une personne en danger.
1. Principes
Il va de soi qu'en cas d'urgence un médecin doit porter secours à tout malade ou blessé qui l'appelle ou lui est signalé. Encore faut-il qu'il prenne conscience de l'urgence et de la gravité.
On ne saurait commenter cet article 9 sans parler de l'article 223-6, alinéa 2 du code pénal auquel, comme tous les citoyens, les médecins sont soumis : "Sera puni...quiconque s'abstient volontairement de porter à une personne en péril l'assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter, soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours."

Ce texte a une portée générale, visant tout citoyen témoin d'un accident ou d'une détresse : c'est la traduction pénale d'une règle morale naturelle de tous les temps.
Plus que tout autre, le médecin doit apporter ce secours. Mais l'article 223-6 devient une arme redoutable contre les médecins si on l'applique à tous les "appels d'urgence" et non plus seulement aux cas où le médecin se trouverait en présence d'une personne en péril.

Il semble que les plaintes contre des médecins fondées sur cet article se sont faites plus nombreuses. Les sanctions judiciaires correspondent certes parfois à des négligences professionnelles coupables (abstention délibérée) mais aussi à un malheureux concours de circonstances ou à une défaillance involontaire (malentendu).
Il est difficile cependant de porter une appréciation générale objective sur la jurisprudence intervenue dans ce domaine car tout dépend de circonstances particulières.

Dans l'ensemble, pour que l'application de l'article 223-6 du code pénal puisse justifier une sanction pénale contre un médecin, il faut :
- que la personne pour laquelle on appelle soit réellement en péril,
- que le médecin en ait été clairement averti,
- qu'il se soit abstenu volontairement,
- qu'il ne puisse invoquer une excuse majeure (médecin occupé par un autre malade dans un état grave, un accouchement, une intervention chirurgicale ou lui-même sérieusement malade).

2. Pratique

Les difficultés en cette matière viennent le plus souvent de malentendus, certaines personnes appelant "d'urgence" pour des malaises bénins. Les médecins sont souvent dérangés pour peu de chose. Ils s'y attendent et savent qu'on peut les tromper, dans les deux sens. Parfois, on emploie le mot "urgent" à la légère. Il y a aussi, de plus en plus souvent, une certaine désinvolture : la commodité prend le nom d'urgence. D'autres fois, ils regretteront qu'on ne leur ait pas signalé, lors de l'appel, la gravité de la situation. L'anxiété du patient, ou de son entourage, a vite fait de convaincre qu'il faut le médecin tout de suite et il faut admettre que l'appel pressé est légitime du moment que l'on a peur. Ces difficultés sont accentuées par la multiplication des communications téléphoniques, notamment en pédiatrie ou dans le cadre de la médecine ambulatoire.
L'appel d'urgence peut être inopportun si le médecin est en pleine consultation, s'il est attendu chez d'autres malades, s'il doit se rendre à l'hôpital, est souffrant ou surmené.
Il doit apprécier s'il s'agit d'une urgence véritable ou d'une visite qui peut attendre. Apprécier la gravité au moment de l'appel est capital et dangereux, lot quotidien du médecin. S'il reçoit lui-même l'appel, il demandera des précisions qui l'éclaireront mais peuvent aussi l'induire en erreur. Si c'est une secrétaire qui reçoit l'appel, il lui échoit de rendre un compte exact de ce qui lui est dit. C'est une tâche délicate et de grande responsabilité dont la secrétaire doit être consciente, à laquelle elle doit avoir été bien préparée, avec des consignes prudentes.
En cas de doute, le médecin se doit d'aller voir le malade ou le blessé, quelle que soit la perturbation apportée dans son travail. Si cela lui est impossible, il lui revient de trouver un confrère qui puisse se déplacer.
L'exercice de la médecine deviendrait impossible si le médecin devait répondre immédiatement à tout appel. S'il ne peut y répondre personnellement dans l'instant, il lui reste à "s'assurer que la personne reçoit les soins nécessaires", c'est-à-dire qu'un autre médecin peut se rendre auprès d'elle, ou que le blessé peut être transporté sans retard dans un lieu de soins. Il faut qu'il s'en assure réellement.

Le téléphone l'y aide (voir note 1). L'organisation moderne des services d'urgence et des transports "médicalisés" apporte un progrès considérable car, en même temps que la réponse rapide, cette structure amène à pied d'oeuvre les moyens techniques d'une réanimation que le médecin isolé ne pourrait assurer complètement. Les praticiens sont invités à participer à cette organisation, ils doivent être encouragés à le faire.
Le médecin ne peut pas donner comme excuse que l'état du blessé ou du malade lui paraissait au-delà de tout recours d'après les renseignements reçus, ni que le malade était habituellement suivi par un autre médecin.
L'article 223-6 du code pénal, selon l'actuelle jurisprudence, pèse donc d'un poids particulier sur le médecin. Une négligence volontaire est inexcusable. Mais le risque est surtout celui d'une erreur d'appréciation, de la part du médecin, sur le degré de l'urgence. En médecine l'erreur de pronostic est la plus difficile à admettre par des juges ou par l'entourage, et la plus répréhensible s'il s'agit d'une urgence.
On ne peut que conseiller aux membres du corps médical d'apporter toute leur attention aux renseignements qui ont accompagné un appel et, s'il y a le moindre doute, de visiter la personne qu'on a dite en danger.

3. Limites
Le médecin peut-il invoquer, pour ne pas se déranger, sa spécialisation professionnelle, le fait qu'il s'estime incompétent dans le cas dont il s'agit (traumatologie, accouchement, cardiologie...)?
Les premières versions du code de déontologie (1947 et 1955) disaient : "quelle que soit sa fonction ou sa spécialité, hors le seul cas de force majeure, tout médecin doit porter secours..."
Cette exigence ne peut plus être formulée aussi catégoriquement aujourd'hui parce que les spécialisations sont plus poussées et plus cloisonnées, les indications thérapeutiques plus précises ; en dehors de sa spécialité un praticien risque d'avoir de mauvais réflexes.

Toutefois, le principe demeure que le médecin a une compétence générale que ses études ont eu pour objet de lui donner (art. 70) : ainsi le spécialiste appelé pour aller voir une personne en danger dans des conditions où il se juge incompétent doit s'assurer lui-même qu'un confrère mieux choisi a pu être atteint ou que le malade ou blessé peut être transporté dans de bonnes conditions vers un établissement hospitalier. Le principe reste valable lors d'appels pour des personnes en difficulté lors d'un voyage, en train ou en avion.

Il reste que tout médecin, quelle que soit sa fonction ou sa spécialité, doit recevoir au cours de ses études universitaires et post-universitaires une bonne formation dans le domaine de la médecine d'urgence.
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Notes
(1) Hœrni B., Appels téléphoniques des patients et déontologie médicale- Bulletin de l'Ordre mai 1999.